Responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif : cas vécu

La procédure de redressement judiciaire d’une société est convertie en liquidation. Parce qu’il aurait commis des fautes de gestion pendant la phase du redressement, le liquidateur judiciaire demande à ce que le dirigeant de la société soit condamné pour insuffisance d’actif. Sauf que les fautes, si tant est qu’elles en soient, ont eu lieu pendant la procédure collective et non avant…ce qui change tout !

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La procédure de redressement judiciaire d’une société est convertie en liquidation. Parce qu’il aurait commis des fautes de gestion pendant la phase du redressement, le liquidateur judiciaire demande à ce que le dirigeant de la société soit condamné pour insuffisance d’actif. Sauf que les fautes, si tant est qu’elles en soient, ont eu lieu pendant la procédure collective et non avant…ce qui change tout !

Redressement + liquidation = 1 procédure ?

Une société est mise en redressement judiciaire. Malheureusement, cela ne suffit pas à la sauver : la procédure de redressement est convertie en liquidation judiciaire.

Le liquidateur judiciaire en charge du dossier reproche alors au dirigeant sa gestion et demande au juge d’engager sa responsabilité pour insuffisance d’actif (techniquement, il engage à son encontre ce que l’on appelle une « action en comblement de passif »).

Pour rappel, le juge peut sanctionner le dirigeant d’une société qui a commis des fautes de gestion ayant contribué à son insuffisance d’actif. Dans ce cas, tout ou partie des dettes de la société seront à la charge du dirigeant condamné.

Et pour le liquidateur judiciaire, il y a lieu d’appliquer cette sanction ! D’abord, le dirigeant a tardé à demander l’ouverture du redressement judiciaire, puis il a poursuivi abusivement pendant la procédure de redressement l’activité déficitaire de la société. Pour finir, il était même dans l’impossibilité de payer les cotisations auprès de l’URSSAF !

« Injuste ! », s’indigne le dirigeant, qui souligne tous les efforts qu’il a fait pour sauver la société. S’il a peut-être tardé à déclarer ses difficultés, c’est parce qu’il pensait sincèrement réussir à sauver la situation grâce à son argent personnel, en attendant des subventions dont le versement avait été décalé.

Et pour ce qui est de l’URSSAF, il a fait le nécessaire pour rembourser intégralement sa dette.

De plus, la loi prévoit que les fautes pouvant déclencher cette sanction doivent être commises avant la procédure de liquidation judiciaire. Or, le liquidateur reproche au dirigeant des « fautes » commises pendant la procédure de redressement judiciaire qui s’est transformée en liquidation…ce qui change tout !

« Vrai ! », tranche le juge, qui relève que le dirigeant a poursuivi son activité pendant le redressement judiciaire, dans le cadre de l’autorisation donnée par le tribunal, et avec la ferme volonté de remettre la situation à flot.

Mais surtout, il indique qu’en cas de redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire, il n’y a non pas 2, mais une seule et unique procédure collective. Concrètement, les fautes de gestion, pour être sanctionnées dans ce cas, doivent être commises avant la procédure collective au sens large… donc ici, avant l’ouverture du redressement judiciaire.

L’ancien dirigeant n’aura donc pas à payer personnellement une partie du passif de sa société.

Source : Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 8 mars 2023, no 21-24650

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